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Chronique : Les jeux indés sur PC

Guides d'achat - Par Caracolad - 03 Mai 2009 18:27:23


Depuis quelque temps, on constate une invasion massive de jeux dits indépendants sur nos consoles et PC. Mais le terme "indépendant" en lui-même, définirait-t-il des petits softs prétentieux et fauchés codés par des hippies, ou bien une alternative singulière face aux grosses productions rebattues ? En fait, je ne pense pas que cette chronique soit en mesure de répondre à cette question existentielle. Mais elle va quand même se pencher en détails sur quatre jeux indés sortis récemment sur PC, et plus particulièrement sur Steam (mais également sur des plates-formes de téléchargement sans avenir).









Braid


En 1945, les premiers bombardements atomiques éclatent sur Hiroshima. C'est dans ce contexte d'apocalypse que débute Braid. Au premier plan, l'un des scientifiques responsables de l'opération nous apparait progressivement à la lueur d'un réverbère. Au second plan, la ville aspergée d'uranium se consume encore. Notre petit savant poursuit sa route sous les étoiles de la constellation d'Andromède, puis pénètre dans son domicile et tombe sur des sets de puzzle incomplets installés un peu partout, dans la cuisine, le salon...

Au-delà d'une question d'éthique personnelle quant à l'usage de la force nucléaire, notre petit chimiste est tourmenté par la perte d'un être cher, un amour qu'il a fait fuir à force de maladresses de sa part. Les pièces de puzzle manquantes lui permettront sans doute de récupérer sa princesse, se dit-il. Celles-ci sont toutefois difficiles à atteindre, disséminées dans un univers vrillé et surréaliste, où les fleurs sont capables de se changer en lapins haineux qui mordent et qui miaulent comme des chatons. Et où le temps est un élastique qui se contorsionne à l'infini.

Braid nous propose en effet de jongler avec ce temps, mais de manière un peu moins bancale que ce qu'on a pu observer jusqu'alors dans les jeux vidéo, avec des titres comme Prince of Persia ou Blinx le chat. Dans un premier temps, des modes fast forward et rewind (façon VHS) permettront d'avancer et de rembobiner la totalité d'un niveau, nous dispensant ainsi du gameover. Les fonctions secondaires sont multiples, récupérer une clé coincée au fond d'un trou de flammes sera par exemple un jeu d'enfant : on saute dans le trou pour atteindre la clé, du coup évidemment on meurt, on appuie alors sur rewind pour remonter indemne avec la clé dans la poche ! À ce pouvoir de base viendront se greffer d'autres subtilités : un item pour ralentir le temps sur un périmètre établi, et des niveaux entiers où le simple fait d'avancer ou reculer fera avancer ou reculer le monde qui gravite autour de soi. Comme de marcher sur une platine à vinyle.

Plus compliqué, il sera possible d'enclencher son "fantôme" après avoir achevé une inversion du temps. Un fantôme qui reproduira les gestes inclus dans la phase d'inversion, et qui agira indépendamment de nous après celle-ci. Ce qui revient en fait à calculer sa trajectoire future en remontant dans le passé, dans un mécanisme proche de la théorie du dédoublement de Jean-Pierre Garnier Malet. Une théorie qui affirme qu'une même particule dispose de deux présents différents, ce qui permettrait à l'homme de fabriquer un futur potentiel d'un autre nous qui serait dans un temps ralenti. Nous pourrions ainsi créer notre futur pour le vivre dans le présent en fonction d'un passé. Il est normal que vous n'ayez rien compris, heureusement c'est pas le cas du petit Einstein que vous jouez. Lui a une horloge atomique vissée dans le crâne, et avant d'entamer cette aventure il passait son temps enfermé dans son labo à avaler des bouquins de sciences et à planter des tiges en tungstène dans les crânes des singes (quitte à négliger au passage sa vie sociale et sentimentale, mais ça c'est une autre histoire).

Pour accompagner tout ça en musique, Jonathan Blow (Dieu / l'auteur de Braid) a eu une riche idée. Plutôt que d'embaucher un intermittent qu'aurait bâclé des pistes MIDI désolantes au clavier bontempi, comme ce qu'on observe chez la plupart des jeux vidéo, il a préféré se créer sa propre playlist en empruntant les travaux de vrais musiciens, qui pratiquent de vrais instruments. On retrouve ainsi du folk celtique avec Shira Kammens et du violoncelle plus ou moins électrifié avec Jami Sieber. Des artistes relativement méconnus (fallait pouvoir se les offrir, aussi) mais qui conçoivent des harmonies en osmose totale avec le climat cafardeux de Braid. Et qui ont accepté que leur musique puisse être défigurée par la distorsion temporelle du jeu, vu qu'un retour en arrière inversera le sens de lecture tandis que le fait d'exhiber sa bague de fiançailles ralentira le rythme.

Bref il va sans dire qu'avec toutes ces errances temporelles et mentales, Braid pèse lourd sur le cœur une fois achevé. Surtout après avoir assisté à une séquence finale aussi... renversante.


1981 - 2009 : Donkey Kong et Jumpman ont un peu abusé sur la fonction fast forward











And Yet It Moves


Ce jeu de plates-formes se remarque avant tout par son style graphique. Roche, granit, plantes tropicales, écorces... toutes sortes de matières organiques et minérales sont passées au scanner, après avoir été déchirées à l'arrache dans une encyclopédie. Des plantes d'intérieur sont ainsi agrafées à des troncs pour faire semblant d'être des feuilles d'arbre. Des flammes sont gribouillées au crayon de couleur, puis animées en deux temps. Au fond du décor, on aperçoit du papier Canson chiffonné. Et sous les tunnels d'un terrier, une séquence culte nous demandera d'échapper à un bout de papier sur lequel est diffusée une vidéo d'un hamster albinos en train de courir.

Les sons sont tout aussi bâclés : les développeurs ont saisi un micro logitech, se sont mis à cracher des "sprouc" dedans, puis ont considéré que c'était idéal pour retranscrire le fracassage du crâne du héros au sol après un saut manqué. Pour faire la pluie, ils se sont contentés d'ouvrir la douche.

La jouabilité ne manque pas non plus de fraîcheur puisque il est nécessaire de déplacer à la fois son personnage et le décor. Un obstacle devant soi ? Hop, on inverse le sens du tableau et on poursuit son chemin au plafond. L'axe 2D est malmené sur 360 degrés, heureusement on s'y fait vite et on acquiert même un certain skill à repositionner son personnage en permanence. Détail rigolo, les gouttes de pluie changeront de direction en même temps qu'on changera d'angle.

Sur la fin, le jeu prend un tournant psychédélique délirant lorsque un serpent à sonnette viendra nous piquer avec du venin hallucinatoire. Les scans de végétaux se mettront alors à remuer à même les limites du papier, avant de se couvrir progressivement de signes tribaux désarticulés, jusqu'à obtenir un bordel néohippie à l'écran. Yippee-ki-yay !

Mais bon, ne nous leurrons pas : à quinze euros, et au vu de sa durée de vie grotesque et de son absence de scénario, And Yet It Moves coûte trop cher pour mériter l'achat.


Le héros profite d'un coin tranquille pour aller pisser











The Path


Rose a onze ans. Malgré son jeune âge, elle a développé une passion tout à fait singulière vis-à-vis de la nature. Sa perception de l'écosystème est exacerbée, le moindre petit grain de pollen flottant dans l'air sera pour elle un spectacle inouï. Dans son imaginaire, une plume d'oiseau par terre est une invitation à s'envoler. Les vapeurs de brume suspendues au-dessus d'un lac sont des nuages perdus sur terre. Sous ses pieds, les senteurs et les craquements de l'humus forestier sonnent comme une mélodie. Et une clairière se transforme en un espace infini de matières vivantes à observer.

Malheureusement, un accident traumatique viendra bouleverser à jamais sa perception de la nature, qui ne lui inspirera désormais plus que de la répulsion. Peu avant, Rose était partie apporter un panier rempli de victuailles à sa grand-mère, qui vit dans une maison recluse au fond de la forêt. Ça, c'est pour le script de The Path. Cette revisitation post-moderne du Petit Chaperon Rouge se rapproche des premières versions écrites du conte, avec des allusions multiples à l'adolescence et au passage (difficile) à l'âge adulte. The Path joue la carte du symbolisme à fond les ballons, et de manière souvent angoissante, le petit chaperon rouge étant incarné par six jeunes filles mises à l'épreuve par des loups voraces planqués sous une forêt noire. Certes, ces demoiselles peuvent tout aussi bien faire le choix de ne pas quitter le chemin menant à la maison de grand-mère, et de se balader ainsi en toute candeur, mais ont-elles vraiment envie de passer à côté d'une découverte intrigante ?

En tout cas, il faut bien se mettre une chose dans le crâne : dans The Path, il n'y a pas de gameplay. Certes il est possible d'explorer la forêt, d'y collecter des fleurs de métal et du mobilier (avec une animation de ramassage d'objets à la Tomb Raider (le premier)) mais pour effectuer une interaction quelconque il n'est même pas nécessaire de presser un bouton : il faut en fait n'appuyer sur rien, pour que l'action se fasse. De plus les développeurs ont truqué le tableau de scores de fin de niveau en attribuant une mauvaise note à chaque fois, histoire de se foutre de la gueule des joueurs qui - c'est bien connu - sont tous atteints de troubles de collectionnite aiguë (et ça ne semble pas s'arranger ces dernières années, vous n'avez qu'à consulter votre liste de succès et autres trophées XXL qui brillent dans le noir).

Bref tout ça n'a pas grande importance, The Path contient des trésors de richesse intérieure, alors ajoutez-y un peu d'imagination (si vous en avez) et roulez jeunesse !


Ami gameramien, je compte sur ton sens subtil de l'argumentation pour nous indiquer si The Path est
1) mature 2) poétique 3) de la branlette pour bobos











Zeno Clash


Je remarque que ma chronique est déjà bien longue en l'état, donc je vais pas trop m'étaler sur Zeno Clash, histoire de soulager mes derniers lecteurs encore en vie (ceux qu'ont déjà survécu au test de Resident Evil 5 par Chocolat).

Zeno Clash, donc, est un first person castagne prenant place dans un univers fantasy-punk déglingué. Malgré quelques séquences de gunfights à l'arbalète face à des crabes lanceurs de boules vertes, les combats au corps à corps forment l'armature principale du jeu. La palette de coups permet d'alterner entre les poings, les pieds, les armes de poing et les esquives. Ces combats se déroulent dans des fausses arènes (déguisées en villages ou prairies) de taille ultra-réduite (la faute au Source Engine tout gâteux qui sait pas comment gérer les grands espaces). Le résultat ? Pas mal réussi en fait, ça percute, c'est dynamique, et d'ailleurs à cause de la vue subjective en widescreen HD on se prend parfois à bouger ses propres épaules pour épouser les mouvements du jeu. Y'en a qui s'y croient trop.
Si notre héros a tant de béguin pour la baston, c'est surtout parce qu'il est contraint de tabasser toute sa famille, celle-ci étant légèrement remontée contre lui après qu'il ait tué leurs parents (et donc ses propres parents). Enfin "parents" c'est vite dit, il s'agit en fait que d'un père, vu qu'apparemment celui-ci arrive à mettre au monde tout seul ses gosses sans l'aide d'une femme. Le twist final en révélera davantage, en tout cas c'est une chouette petite histoire Walt Disney que nous raconte Zeno Clash.

Mais l'atout principal du titre c'est quand même son univers, et donc le design qui permet de le mettre en forme. On va pas se mentir : il est possible que vous trouviez ce design fabuleux, il est également possible qu'il vous fasse dégobiller absolument tout du repas consommé dans la journée. En partant du principe que vous aimez, on peut dire que l'ensemble est véritablement enchanteur, bourré de couleurs, de bâtisses biscornues peuplées par des habitants croisés les uns avec les autres. Certes, tous les niveaux ne sont pas totalement inspirés : chasser des poulets dans un champ de ronces sous le brouillard peut être une expérience de gameplay assez traumatisante par exemple. Mais débarquer dans un village construit de travers pour aller dérouiller des roux répugnants tandis qu'au-dessus de nous s'activent des pistons gigantesques mélangés aux toitures et à des arbres distordus, c'est super. Les éléments surréalistes pullulent, comme cette porte vivante qui demande à ce qu'on lui parle de fleurs jaunes minuscules perchées sur de délicates petites tiges, car c'est juste une porte et qu'elle ne peut donc pas explorer les merveilles de ce monde par elle-même. On croisera aussi pas mal de corwids, donc des fous, ou plutôt des êtres qui ne sont pas esclaves de la réalité et de la raison. Parmi eux il y a Helim, qui désire être invisible, alors il arrache les yeux de tous ceux qui peuvent le voir. Il y a également Oxameter, qui a pour conviction de marcher droit devant lui sans jamais dévier de sa direction. On le retrouvera plus tard bloqué devant un arbre pour l'éternité.

Avec tout ça on fantasmerait bien sur un jeu d'aventure ou un RPG situés dans le même univers. Mais c'est sûr que ça nécessiterait un peu plus de moyens que pour un petit jeu de bagarre codé dans un garage.


Les hardcore gamers Wii attendent toujours un signe de la part de Nintendo...






Jeux de cette chronique : Zeno Clash (PC), The Path (PC), And Yet It Moves (PC), Braid (PC)


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